Carnet de route

POUR QUE LES CHOSES SOIENT CLAIRES !

Le 15/04/2023 par LECLERCQ Michel

Le week-end du 15/16 avril 2023, une des grandes classiques des Monts du Vaucluse programmée de longue date a été réalisée : l'aven JEAN NOUVEAU moins 578 mètres, afin de préparer le gouffre BERGER prévu en août prochain.

Deux équipes sont organisées pour cette expédition de belle ampleur :

Les équipeurs, Pierrot, Guilhem, Anne-Fleur, Blandine et Rémy.

Les déséquipeurs, Michel, Sylvie, Gilles, Bastien, Jean-Eric et Charly.

Une partie de ces explorateurs se réunissent comme à l'accoutumée le jeudi soir pour préparer le matos : huit Kits, contenant environ 800 mètres de corde, 150 mousquetons, et une cinquantaine de sangles dyneema...

Pierrot et Fleur, arrivés le vendredi soir sur le site en profitent pour équiper le puits d'entrée de 180 mètres et gagner ainsi un temps précieux pour le lendemain.

Ils sont ensuite rejoints par le reste de la bande des déséquipeurs et se font une magnifique soirée grillade au feude bois, les bougres...

Samedi matin, vers 08 heures ils plongent à l'assaut du reste de l'aven, soit environ 400 mètres de puits à équiper avec 7 kits bien remplis.

Les déséquipeurs eux partent à 08 heures de Montpellier et arrivent vers 10 heures 30 au trou où Bastien les attends avec croissants et café chaud.

Petit breifing de départ, on s'équipe et vers 11 heures 30, à notre tour nous plongeons dans ce magnifique aven.

Comme à l'accoutumée avec les sorties faites avec Pierrot, l'équipement est nickel et les fractionnements s'enchaînent sans grandes difficultés.

Nous sommes en forme, jovials et motivés pour atteindre le fond à moins 570 mètre au niveau d'un petit lac.

Ces explos verticales sont ce que j'aime le plus en Spéléo, quand j'entends sans répit le cri "LIBRE", ça dégage, ça "anquille" !

Quelques étroitures nous énervent un peu mais rien de méchant à côté du méandre de Puech Nègre, fait quinze jours plus tôt.

Vers moins 500, nous rejoignons Rémy, Blandine et Guilhem qui font la pause repas et n'ont pas voulus se mouiller dans les 80 derniers mètres humdes que finissent d'équiper Pierrot et Fleur.

A notre tour nous faisons un petit repas et décidons de continuer pour le fond.

En descendant nous croisons le couple d'équipeurs qui nous donne quelques indications sur la suite et, après quelques congratulations, nous nous séparons.

Le fond est vite atteint. C'est vrai qu'il pleut et que c'est humide, mais rien de méchant et, de plus, c'est très beau et bien concrétionné. Dommage de rater ça !

Bastien et Charly partis en avant, nous attendent au niveau du lac de fin et sur un ressaut de 3 mètres vertical à descendre encordés pour les rejoindre, Jean-Eric déséquilibré par le mou de la corde chute violemment à leurs pieds.

Nous nous précipitons aussitôt pour lui porter secours et constatons rapidement que son poignet droit est fracturé !

Sylvie et Bastien, infirmiers professionnels confirment le diagnostic.

Tous deux confectionnent rapidement une attelle de fortune avec un mini kit et, après avoir laissé Jean-Eric se remettre de ses émotions, question importante lui est posée : "penses-tu pouvoir remonter ?".

La situation est claire, cet accident intervint au pire endroit du trou, exiguë, froid, très humide.

Une attente des secours en cet endroit serait très compliquée.

Il nous faut absolument remonter les 80 mètres qui nous séparent de la salle où nous avons fait la pause : - spacieuse, sèche et adaptée pour un bivouac de secours.

"Je vais essayer nous répond-il...".

Jean-Eric, ce n'est pas n'importe qui, c'est un rude, costaud, athtlétique et fort de caractère.Il est fier, ne se plaint jamais et bon vivant, spéléo, grimpeur, skieur, moniteur canyon..., il a eu comme beaucoup d'entre nous, les sexagénères, des coups durs en sports de montagne et a derrière lui 40 ans d'expériences.

C'est mon copain d'aventure de 30 ans et ce n'est pas pour rien que je le surnomme mon "Joker".

Mais là, mon Joker me fait de la peine. Je sais à quoi il pense et il sait que je sais.

Heureusement pour lui et pour nous, il arrive à force de volonté à ateindre la fameuse salle.

Là, nos infirmiers sont plus à même de s'occuper de leur patient.

Avec la pharmacie de fortune, ils luis confectionnent un beau bandage, qu'ils recouvrent de son gant et de l'attelle de fortune et lui font prendre des antalgiques.

Après avoir mangé des barres énergétiques, bu, soufflé un peu, nous allégeons au maximum son équipement et il nous dit être prêt pour tenter de remonter les 500 mètres et étroitures au-dessus de nous.

Le plan est donc le suivant : Charly avec le kit du fond passe devant le blessé et Michel le suit.

Bastien, Sylvie et Gilles se chargent de déséquiper.

Et c'est parti. Il peine notre Joker mais il avance. A chaque fractionnement, Charly l'aide.

Nous arrivons en haut du puits de l'araignée et des étroitures qui suivent : 90 mètres de progression. Plus que 400 !

Dans les étroitures, avec Charly nous convenons que je récupère le deuxième kit du fond et que je m'occupe de Jean-Eric. Lui, jeune initiateur spéléo, le plus affuté du groupe, partira seul prévenir les copains restés en haut en bivouac.

Je récupère donc mon kit, rejoins Charly et Jean-Eric et après avoir fait les recommandations d'usages à Charly, je prends en compte mon ami.

Nous avançons lentement, mais nous avançons. J'entends ses gémissements à chaque fois qu'il se hisse sur ses mains mais pas une plainte, pas une supplique, il avance.

Notre technique de progression est vite établie. Je pars en tête sur la corde, je passe le fractionnement et je l'appelle. Il me rejoint, je le longe, le "décrole", enlève son "basic" en faisant en sorte que les gachettes restent ouvertes et à son "ça va", je repars au prochain fractio.

Toutes les trois heures, sur recommandation de Bastien, je lui admnistre un antalgique.

P 20, puits du pendule, P 40, diaclase de Pâques, moins 320, P 30, salle du 14 juillet, moins 260.

P 27, P 17, P 16, P 7, P 30, moins 160. Encore une longue étroiture et nous serons à la salle Martel et au dernier puits de 180 mètres et la surface.

Là, nous sommes rejoints par Charly. Il nous informe avoir remonté son kit et arrivé en haut ne pus avoir vu les véhicules des copains qui étaient en fait à leur campement situé 200 mètres de l'entrée, mais Charly ne le savait pas.

Là haut ça ne capte pas et il a tout de même envoyé un texti Watsap expliquant notre situation. Texto reçu par Rémy qui met en pré-alerte un groupe de spéléos du CDS 69 venu dans le secteur pour le week-end. Mais ça, on la su après...

De revoir Charly nous donne un peu de baume au coeur. Super Charly d'être revenu nous aider et redescendre le P 180 !

Avec Jean-Eric nous allons continuer notre progression. Elle est lente mais vu le contexte, elle est inespérée. C'est même, à mon sens, miraculeux que mon blessé puisse continuer à se hisser avec un poignet cassé.

Charly rejoint les copains derrière nous pour les aider à porter les kits et déséquiper l'aven.

Allez Mon Petit, plus que 180 mètres et six ou sept fractionnements à passer et ton calvaire se finira.

Tu peux le faire !

Il boit, prend une barre énergétique, un antalgique et je démarre le premier jet de 30 mètres.

Libre ! J'attends suspendu sur la corde avec un lourd kit qui se montre de plus en plus agressif pour mon entre jambe et notre technique maintenant bien rodée du passage de fractionnement fait ses preuves.

30 mètres moins 180, plus que 150 mètres, avec ma torche puissante j'essaie de repérer le fractio suivant pour estimer la distance qui nous sépare. Un de plus encore 110 mètres et ainsi de suite jusqu'au moment attendu où je vois la plate-forme de départ et là, une fois atteinte, je sais que ce sera gagner. Il nous restera 12 mètres à remonter en espérant que les copains soient là pour nous aider.

Au fur et à mesure qu'approche la fin, la main de Jean-Eric devient de plus en plus fragile.

A chaque traction c'est un souffle de douleur que j'entends mais il reste imperturbable mon Joker? toujours pas de plainte ou de suppliques. Il avance, à son rythme, mais il avance.

Il ne peut plus utiliser sa main droite et a la main et le bras gauche fatigués. Pour se hisser, il en vient à plier le coude gauche qu'il met au dessus du Basic et se tracte ainsi...

Enfin la plate-forme utilisée à l'époque des découvreurs pour hisser le matériel est atteinte. Ouf sauvés !

La sortie des derniers mètres est compliquée mais l'alégresse est avec nous car les copains, Pierrot et Guilhem sont là pour nous encourager et nous aider.

C'est bon de les entendre et de les voir.

Il est 02 heures du matin et ça fait treize heures que nous sommes sous terre, un vent glacial nous accueille, mais peu importe, le plus difficile est derrière nous.

On aide Jean-Eric à se changer,le mettons dans le pic-up de Guilhem avec le chauffage à fond pour qu'il se sente bien et nous échangeons et discutons de notre péripétie.

A rrivent Charly, Gilles et Sylvie. Bastien termine le déséquipement du grand puits.

Les cinq que nous sommes nous dépêchons de finir de nous changer pour partir sur Montpellier et le CHU Lapeyronie au service SOS mains.

Nous laissons Pierrot et Guilhem pour attendre Bastien et c'est le départ.

02 heures 30 de route à assumer malgré la fatigue. Gilles prend le premier quart de conduite, puis fatigué, passe la main à Charly et je termine le trajet à hauteur de Nîmes.

Nous arrivons à 06 heures du matin à Montpellier attendus par Françoise, la compagne de Jean-Eric qui le conduit rapidement à l'hôpital.

Dans la journée nous apprenons que notre héros a bien le poignet fracturé et qu'il sera opéré deux jours plus tard...

Comme souvent lors de ce genre d'accident, la réussite de ce secours est bien entendu liée à la blessure qui a permis à la victime d'avancer par ses propres moyens, avec l'aide de ses co-équipiers, mais également à une belle cohésion de groupe.

Chacun a rempli sa ou ses missions instinctivement sans remarque, sans critique,  ou conflit d'égo.

Nos deux infirmiers ont prouvé qu'ils étaient à la hauteur de leur profession, ils ont réagi rapidement et efficacement avec ce qu'ils avaient sous la main.

Charly, pour la première fois que nous sortions avec lui a démontré qu'il était quelqu'un de fiable, compétent et soucieux de ses camarades.

Gilles, malgré son peu d'expérence en spéléologie a rempli son rôlr de déséquipeur, resté discret et porté son lot de cord et plus que prévu.

Bastien et Sylvie ont pris en compte avec Gilles en support, le déséquipement complet de ce grand aven (800 mètres de cordes) sans souci particulier (sauf l'épisode du kit à Sylvie LOL...) ?

Une mention particulière qui m'a étonné lors de cette sortie particulière.

Tu en a fait du chemin mon petit depuis le jour ou je t'ai accueilli à la section Canyon !

Et enfin, Jean-Eric a vraiment était Hérïque ! Chapeau bas mon Joker !

Merci aussi aux copains qui nous attendaient à la sortie, quel soulagement que de vous entendre, voir vos lumières et savoir qu'on était plus seuls.

Enfin et pour terminer ce récit, aux biens pensants, ceux qui savent tout mais ne font jamais rien, les faut qu'on, ya qu'à, ils auraient du... etc à ceux là, parce que je sais qu'il y a toujours des soit disants copains qui se régalent des galères des autres, à tous ceux-là donc je vous laisse imaginer ce que je leur dit !

 

 

 

 

CLUB ALPIN FRANCAIS MONTPELLIER

6 RUE DE LA POESIE
34000  MONTPELLIER
Permanences :
jeudi de 19h30 à 20h30